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Composition pénale et violences conjugales : une alternative aux poursuites pénales aux conséquences non négligeables

Le 05 avril 2024
Composition pénale et violences conjugales : une alternative aux poursuites pénales aux conséquences non négligeables
La procédure de composition pénale est de plus en plus régulièrement utilisée pour répondre pénalement aux violences conjugales : avantages, inconvénients, modalités, tant pour les mis en cause que les victimes qui souhaitent se constituer partie civile.

D'une circonstance atténuante à une réponse pénale quasi-systématique : de l'usage de la composition pénale en matière de violences conjugales

Peu le savent mais l’article 324 du Code pénal de 1810 prévoyait que le meurtre commis par un mari, lorsqu’il venait à surprendre son épouse « dans la maison conjugale », en flagrant délit d’adultère, était « excusable. »

 

Cette espèce de « circonstance atténuante » n’est plus en vigueur et les pouvoirs publics portent désormais un tout autre regard sur les violences conjugales.

 

Cet article vise à présenter la réponse pénale apportée par les services du procureur de la République aux procédures de violences conjugales lorsque des poursuites pénales ne sont pas engagées.

Maître Xavier MOROZ, Avocat inscrit au Barreau de Lyon et de Bourg-en-Bresse, titulaire du certificat de spécialisation en droit pénal, assiste et conseille les mis en cause et parties civiles dans le cadre de procédures de composition pénale.

 

Qu’appelle-t-on « violences conjugales » ?

 

On ne parle pas que de violences physiques ou de meurtres (féminicides), il peut également s’agir de violences de nature sexuelle (viol, agression sexuelle, proxénétisme, etc.), psychologique (harcèlement moral, menaces, appels téléphoniques malveillants, etc.) ou encore économique.

 

Constituent donc de telles violences, pour ne citer que celles-ci, les bousculades, les gifles, les coups, les insultes, les menaces ou encore les propos dévalorisants ou dénigrants.

 

Pour relever de la catégorie des violences conjugales, il faut qu’elles aient été commises entre deux personnes en couple (concubinage, mariage, PACS) ou qui l’ont été par le passé.

 

Quelle est la peine encourue par l’auteur de violences conjugales ?

 

Tout dépend du préjudice de la victime et plus particulièrement de son nombre de jours d'ITT (incapacité totale de travail) mais aussi de la nature des faits reprochés.

 

Si la victime ne présente pas d’ITT ou que son ITT est inférieure ou égale à 8 jours, en cas de violences commises au sein du couple, l’auteur s’expose à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (222-13 du Code pénal).

 

 Les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende lorsque l'ITT est supérieure à 8 jours.

L'ITT peut être fixée dans un certificat médical établi par un médecin généraliste.

Toutefois, un certificat dressé par un médecin légiste, généralement requis dans le cadre de l'enquête (préliminaire ou en flagrant délit, plus rarement sur commission rogatoire), a plus de poids parce qu'il est établi par un médecin spécialiste et, donc, est plus difficilement contestable.

 

Qu’est-ce que la composition pénale ?

 

C’est, dans le cas des violences conjugales, la mesure que peut prendre le procureur de la République s’il décide de ne pas poursuivre le mis en cause, c’est-à-dire le renvoyer devant le tribunal correctionnel.

 

Cette mesure peut être proposée à une personne majeure ou à un mineur âgé de plus de 13 ans.

 

Pour qu’une telle mesure soit proposée, il faut nécessairement que le mis en cause reconnaisse les faits qui lui sont reprochés.

 

Quels sont les « avantages » de la composition pénale ?

 

En ce qu’elle est une alternative aux poursuites et que les faits ne sont pas jugés par le tribunal correctionnel, on peut juger que la mesure de composition pénale est une faveur faite au mis en cause.

Les choses ne sont pas si simples.

 

La composition pénale présente l’avantage d’être une procédure accélérée et permet, tant au mis en cause qu’à la victime, de connaître l’issue de la procédure plus rapidement qu’en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Ce qui peut présenter un grand avantage, notamment pour pacifier la situation, une réponse pénale rapide permettant de rappeler les limites à ne pas franchir et quelles sont les sanctions encourues.

 

Pour le mise en cause, elle ne figure pas aux bulletins n° 2 et 3 du casier judiciaire (mais seulement au bulletin n° 1, uniquement accessible aux autorités judiciaires, et pour une durée de 3 ans).

 

Concrètement, un employeur privé, en droit de solliciter le bulletin n° 3 du casier judiciaire, n’aura pas connaissance de la mesure de composition pénale dont aura fait l’objet le candidat à l’emploi.

 

Dans le cadre d’une composition pénale, quelles sont les peines susceptibles d’être proposées à l’auteur de violences conjugales ?

S'agissant d'une alternative aux poursuites, on ne parle pas de peines stricto sensu mais de mesures de composition pénale

Parmi les mesures prévues par l'article 41-2 du Code de procédure pénale, la pratique nous permet d’observer que les procureurs de la République proposent généralement l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

-   Le paiement d’une amende dite de composition ;

 

-   La réalisation, aux frais du mis en cause, d’un stage de « responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes » ;

 

-   L’interdiction d’entrer en contact avec la victime des violences conjugales pendant un délai maximum de six mois ;

 

-   Lorsque le couple réside ensemble, l’éviction du domicile de l’auteur des violences ;

 

-   L’obligation de réaliser des soins (en cas de consommation de stupéfiants ou de consommation excessive d’alcool) ;

 

-   L’indemnisation du préjudice de la victime, c’est-à-dire le versement de dommages et intérêts.

 

Comment se déroule la procédure de composition pénale ?

 

La procédure se déroule en plusieurs temps distincts.

 

1. La phase de proposition de peine (mesure de composition pénale)

 

Dans un premier temps, le mis en cause se voit proposer une ou plusieurs "peines" – parmi celles énoncées plus haut – par le procureur de la République ou son délégué.

 

Cette proposition est formulée au terme d'un interrogatoire au tribunal judiciaire ou dans une Maison de justice et du droit.

 

Durant cette audience de composition pénale, le mis en cause et la victime peuvent être assistés d’un avocat.

 

La présence de l’avocat permet, d’une part, de s’assurer que l’infraction retenue est bien caractérisée (que les faits constituent effectivement une infraction et qu’elle est correctement qualifiée d’un point de vue juridique).

 

Et, d’autre part, l’avocat a pour rôle de conseiller son client sur l’opportunité d’accepter ou non la mesure proposée par le procureur de la République ou son délégué.

 

Enfin, en amont, l’avocat pénaliste analyse la procédure et vérifie sa régularité mais aussi prépare la défense de son client.

Lorsqu'il assiste la victime, il la prépare pour cette échéance judiciaire toujours très anxiogène et l'aide à chiffrer son préjudice en lui demandant de réunir tous les éléments utiles.

Maître Xavier MOROZ, Avocat inscrit au Barreau de Lyon et de Bourg-en-Bresse, titulaire du certificat de spécialisation en droit pénal, assiste et conseille les mis en cause et les victimes au cours des procédures de composition pénale.

A l’issue de la proposition de "peine" qui lui est faite par le procureur de la République ou son délégué, le mis en cause peut accepter la mesure proposée ou la refuser.

 

Sachant que le mis en cause peut également solliciter un délai de réflexion de 10 jours minimum avant de faire connaître sa décision (Article R.15-33-39 du Code de procédure pénale).

 

2. La phase de validation de la composition pénale

 

Si le mis en cause accepte la mesure de composition pénale proposée, le procureur saisit le président du tribunal judiciaire en vue de la validation de la composition pénale.

 

Lorsque la mesure proposée apparaît adaptée au regard des faits et de la personnalité du mis en cause, le président du tribunal judiciaire valide la composition pénale.

 

Mais le président du tribunal judiciaire peut aussi refuser la validation de la composition pénale, auquel cas le dossier est transmis au procureur de la République en vue d’une éventuelle convocation devant le tribunal.

 

Dans certains cas (contravention ou délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 3 ans, en cas d'amende n'excédant pas 3.000 € ou d'obligation de restituer la chose produit ou instrument de l'infraction), la validation préalable par le président du tribunal n'est pas exigée

 

3. L’exécution de la mesure de composition pénale

 

Si la composition pénale est validée, il revient au mis en cause d’exécuter les mesures qu’il a acceptées.

 

Il doit accomplir, à son initiative, les démarches utiles à l'accomplissement de ces mesures.

C'est par exemple à lui seul de prendre rendez-vous avec un organisme agréé pour l'accomplissement du stage de sensibilisation aux violences conjugales.

C'est aussi à lui de veiller à indemniser la victime ainsi qu'il s'y est engagé.

A défaut, il prend l'énorme risque de s'exposer aux poursuites du Fonds de garantie (FGTI) avec toutes les conséquences, souvent disproportionnées, que cela peut avoir pour lui.

Car, une fois le Fonds de garantie substitué dans les droits de la victime qu'il aura indemnisé, c'est une longue épreuve de force qui s'engage, jusqu'à ce que la dette soit intégralement réglée.

 

Étant précisé que, à Lyon, en cas de composition pénale pour des faits de violences conjugales, un délégué du Procureur de la République peut être désigné afin de s’assurer de l’exécution de la mesure.

 

Et, en cas de défaillance totale ou partielle, le mis en cause sera renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y être jugé de façon classique.

Solution qu'il vaut mieux éviter, tant pour le mis en cause, qui encourt une sanction plus sévère, que pour la victime qui devra encore patienter avant qu'il soit statué sur la situation, du moins au pénal...

 

Maître Xavier MOROZ, Avocat inscrit au Barreau de Lyon, titulaire du certificat de spécialisation en droit pénal, assiste et conseille les mis en cause et les victimes dans le cadre des procédures de composition pénale.

Actualité rédigée avec l'aimable concours de Maître Vito OTTAVIANO, Avocat au Barreau de LYON.