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" Anormalité du préjudice subi par un patient : le Conseil d'Etat précise le critère de faible probabilité nécessaire à l'indemnisation par l'ONIAM"

Le 06 novembre 2018
Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il faut prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type et entraînant une invalidité grave ou un décès.

Un arrêt rendu le 15 octobre 2018 par le Conseil d'Etat (n°409585, mentionné dans les tables du recueil Lebon) nous renseigne sur la méthode d'appréciation de la condition de faible probabilité de survenance du dommage. Cet arrêt s'inscrit à la suite de précédentes décisions rendues en 2014 et 2015 qui avaient déjà précisé ce qu'il fallait entendre par "la condition d'anormalité du dommage", telle qu'exigée par les dispositions de l'article L. 1142-1, § II, du Code de la santé publique.

Cet arrêt concerne tous les patients qui ont souffert des conséquences d'un acte médical comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage dont ils demandent indemnisation auprès de l'ONIAM (à défaut d'une faute médicale imputable au praticien ou à l'établissement de santé, ou d'une infection nosocomiale).

L'intervention réalisée doit l'avoir été en raison de la gravité de l'état de santé du patient. Lorsque les conséquences de l'acte médical réalisé ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales, et ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale (par l'ONIAM), que si, dans les conditions dans lesquelles l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Au cas d'espèce, un patient atteint d'une glycogénose subissait une hépatectomie partielle justifiée par la présence d'adénomes hépatiques. Cette intervention chirurgicale s'accompagnait de complications hémorragiques rendant nécessaires plusieurs reprises chirurgicales et une transplantation hépatique en urgence. Dans les suites de cette intervention, le patient conservait une cécité de l'oeil gauche et une surdité de perception de l'oreille droite en rapport avec un accident vasculaire cérébral.

Saisi à la demande de l'intéressé, le tribunal administratif mettait à la charge de l'ONIAM une indemnité en réparation du préjudice subi par le requérant. La cour administrative d'appel, saisi sur appel de l'ONIAM, annulait ce jugement et rejetait les demandes indemnitaires de la victime. Cette dernière se pourvoyait en cassation.

Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel considérant que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.

Les juges de la haute juridiction administrative reprochent aux conseillers d'appel de s'être fondés sur la circonstance que l'intéressé se trouvait exposé, compte-tenu de l'intervention chirurgicale réalisée, à un risque d'hémorragie présentant une probabilité de 20 %, jugeant ainsi que la survenance du dommage subi par le patient ne présentait pas une probabilité faible.

Or, en se fondant sur la probabilité générale de subir une hémorragie lors d'un telle intervention chirurgicale, au lieu de fonder sur le risque de survenue d'une hémorragie entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour d'appel a commis une erreur de droit conduisant à l'annulation de son arrêt.

La décision rendue présente un indéniable intérêt s'agissant des décisions de refus de réparation du préjudice résultant d'un acte médical au titre de la solidarité nationale (par l'ONIAM).

Désormais, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il incombe aux instances saisies d'une demande indemnitaire de prendre en considération la probabilité de survenance d'une événement du même type que celui qui a causé le dommage et, surtout, de s'assurer que cet événement pouvait entraîner une invalidité grave ou un décès.

Toute appréciation globale est à prescrire.