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Victime d'un dommage corporel : faut-il opter pour un règlement amiable ou contentieux (judiciaire) ?

Le 23 juillet 2019
Victime d'un dommage corporel : faut-il opter pour un règlement amiable ou contentieux (judiciaire) ?
Indemnisation amiable ou contentieuse ? Négociations avec l'assureur du responsable ou demande adressée au juge de fixer les différents postes de préjudice et de les chiffrer ? Avantages et inconvénients de l'une et l'autre de ces méthodes pour la victime

La victime d'un dommage corporel (qui peut trouver son origine dans un accident de la circulation, dans un accident médical - en cas d'erreur médicale, d'aléa thérapeutique ou d'affection iatrogène ou nosocomiale, ou dans une agression - qu'il s'agisse d'une infraction intentionnelle ou non intentionnelle) se trouve généralement confrontée à un choix : doit-elle s'entendre avec le responsable pour tenter de liquider son préjudice à l'amiable ou doit-elle se résigner à saisir le juge compétent ou, celui-ci étant déjà saisi, continuer dans la voie contentieuse ?

L'une comme l'autre de ces options présente des avantages et des inconvénients.

Premier avantage d'un règlement amiable, et non des moindres, il est généralement moins onéreux que le règlement contentieux ou judiciaire.

En effet, la victime n'est pas obligée de se faire assister d'un avocat (même si cette solution est toujours périlleuse) et elle n'aura pas à faire l'avance des frais afférents à une procédure.

Ainsi, elle se trouvera dispensée de la consignation qui doit être versée à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert judiciaire ou de celle qui doit être versée en cas de délivrance d'une citation directe devant le tribunal de police ou correctionnel ou bien encore devant le Doyen des juges d'instructions dans l'hypothèse d'une plainte avec constitution de partie civile.

Elle pourra également s'exonérer du versement des honoraires de l'avocat ou du médecin de recours (ou médecin conseil) qui l'assistera au cours des opérations d'expertise (même si les négociations amiables n'excluent pas que l'un et l'autre de ces professionnels interviennent pas aux côtés de la victime).

Au vrai, l'avance de ces frais n'est pas vraiment un obstacle lorsque la victime est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle (lesdits frais seront pris en charge par l'Etat) ou d'une assurance protection juridique qui accepte de garantir le sinistre (l'assureur prendra en charge tout ou partie des frais de procédure).

Second avantage d'un règlement amiable, c'est que, généralement (mais il n'y a pas de règle intangible en cette matière), il aboutit plus rapidement.

Attention toutefois à ne pas confondre célérité et précipitation : qui va doucement, va sûrement (qui va piano va sano) !

Les enjeux sont souvent très lourds (en cas de blessures graves débouchant sur de graves séquelles : amputation, paralysie, traumatisme crânien... autant de conséquences dommageables qui aboutiront à la fixation de postes de préjudices - assistance par tierce personne, frais de logement et de véhicule adaptés, perte de gains professionnels actuels et futur, déficit fonctionnel permanent (parfois dénommé AIPP), incidence professionnelle, etc - qui nécessitent un grande attention pour ne pas léser la victime) et la partie adverse (notamment les assureurs) aura beau jeu de vouloir aller vite en procédant au versement de provisions plus ou moins substantielles qui seront de nature à "endormir" la vigilance de la victime.

Si un règlement amiable peut se justifier lorsque la victime a subi un préjudice limité (à supposer qu'il existe des "petits" préjudices...), il est à proscrire dès que le préjudice subi est grave (ce qui est généralement le cas lorsque la victime présente un DFP - déficit fonctionnel permanent - ou AIPP - atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, même si ce poste de préjudice est évalué à 1 % seulement).

Le règlement judiciaire (ou contentieux) présente peut-être des inconvénients (en terme de coûts de procédure et de temps) mais ses avantages ne doivent pas être négligés, tant s'en faut (étant utilement rappelé qu'il n'existe pas de règles intangibles, chaque dossier étant particulier et se prêtant donc plus ou moins bien à telle ou telle forme de règlement).

Certes, la victime fera l'avance des frais de procédure mais elle pourra ensuite obtenir du responsable qu'il les lui rembourse (notamment les frais d'avocat, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 375 ou 475-1 du Code de procédure pénale ou L. 761-1 du Code de justice administrative, selon la juridiction qui aura été saisie, civile, pénale ou administrative ; mais encore les frais d'expertise et d'assistance d'un médecin conseil ou de recours).

Sachant, encore une fois, que ces frais pourront, selon les cas, être pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle ou par l'assurance protection juridique, sans que la victime ait donc à en faire l'avance.

Le principal avantage de la voie contentieuse est que la victime pourra obtenir la désignation d'un expert judiciaire, totalement indépendant et impartial, lorsque l'indemnisation amiable interviendra aux termes d'opérations d'expertise (dite expertise amiable et contradictoire) qui auront été menées par un expert généralement mandaté par l'assureur du responsable.

Naturellement, ce n'est pas forcément parce que l'expert amiable est mandaté par l'assureur qu'il se montrera partial et privilégiera les intérêts de son mandataire plutôt que ceux de la victime : il faut bien se garder de généralités souvent injustes.

Toutefois, ne dit-on pas qu'on ne mord pas la main qui nous nourrit ?...

Ainsi, que ce soit dans le cadre des procédures amiables d'indemnisation des accidents médicaux (via l'ONIAM et après saisine de la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales - CRCI) ou dans toute autre forme d'indemnisation amiable, les juridictions admettent qu'une expertise judiciaire peut être ordonnée nonobstant celle amiable et contradictoire déjà réalisée si cette dernière "ne présente pas de garanties suffisantes d'objectivité."

Autre avantage, et non des moindres, le juge appliquera des barèmes (notamment de capitalisation) autrement plus favorable à la victime que ceux appliqués par l'assureur du responsable du dommage (notamment le Barème 2018 de capitalisation de rente des victimes publié dans la Gazette du Palais).

L'avocat veillera justement à ce que les barèmes appliqués soient les plus favorables à la victime, celle-ci n'étant pas forcément informée de l'existence de plusieurs barèmes dans le cadre d'une indemnisation amiable.

Autre avantage encore, lorsque la victime sera assistée d'un avocat et/ou d'un médecin conseil, elle pourra obtenir plus facilement (et, parfois, plus rapidement) le versement de provisions suffisantes (à valoir sur l'indemnisation entière et définitive de son préjudice) pour lui permettre de faire face aux premières dépenses générées par son préjudice (notamment pour l'acquisition de matériel technique, telles des prothèses, des lits médicalisés ou des fauteuils roulants qui lui garantiront un minimum de confort de vie).

Lorsque l'indemnisation du préjudice aura débuté de façon amiable avant de devenir contentieuse (faute d'avoir trouvé un accord satisfaisant avec l'assureur du responsable), il sera encore plus aisé d'obtenir une provision substantielle, l'assureur devant, en cas d'échec de l'indemnisation amiable, notifier à la victime les offres qu'il lui avait faites. Il ne pourra donc pas, devant le juge (des référés notamment), minimiser un préjudice dont il aura reconnu le principe et la gravité dans le cadre du processus d'indemnisation amiable.

Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de LYON, spécialisé en droit des victimes et réparation du préjudice corporel, vous assiste et vous conseille.