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Utiles rappels sur la distinction entre souffrances endurées suite à la perte d'un être cher et préjudice d'affection ainsi que sur l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente

Le 24 septembre 2019
Utiles rappels sur la distinction entre souffrances endurées suite à la perte d'un être cher et préjudice d'affection  ainsi que sur l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente
Dans un arrêt du 14 mai 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation procède à un utile rappel sur l'indemnisation des souffrances endurées, du préjudice d'affection et du préjudice d'angoisse de mort imminente

Même s'il n'est pas publié au Bulletin criminel de la Cour de cassation, l'arrêt rendu par la Chambre criminelle le 14 mai 2019 procède à un utile rappel des postes de préjudice qui peuvent être indemnisés.

Utile, ce rappel l'est d'autant plus qu'il permettra de combattre l'argumentation des différents Fonds de garantie (Fonds de garantie des assurances obligatoires - FGAO - et Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - FGTI) et assureurs dont le credo reste trop souvent, même s'il faut bien se garder de toute généralité, de payer le moins possible et le plus longtemps après la survenance du sinistre. Après tout, payer et mourir, on a toujours le temps !

En l'occurrence, une personne décède dans un accident de la circulation. Le responsable de cet accident est déclaré coupable et condamné pénalement. Les proches de la victime directe, qui se sont constitués partie civile, sollicitent la réparation du préjudice résultant du décès de l'épouse et de la mère, en leur qualité de victimes par ricochet (ou victimes indirectes).

Une somme leur est allouée au titre des souffrances endurées.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation censure le raisonnement des juges de première instance et confirme celui adopté par la Cour d'appel qui avait fait droit à la demande d'indemnisation des parties civiles.

Les souffrances endurées sont bien distinctes du préjudice d'affection puisqu'il s'agit de réparer non pas le préjudice né de la perte d'une épouse ou d'une mère, peine et deuil normaux, donc issu du rapport à l'autre, mais de réparer un préjudice spécial et autonome qui se trouve constitué par le traumatisme psychique, atteinte subi par les parties civiles personnellement, en leur propre corps.

Aussi, dès lors que les juges caractérisent l'existence d'un préjudice extrapatrimonial, bien distinct du préjudice d'affection, une double indemnisation peut intervenir.

En revanche , la décision de la Cour d'appel est censurée en ce qu'elle a retenu un préjudice d'angoisse de mort imminente.

De façon désormais classique, les proches de la victime directe soutenaient que ce poste de préjudice était né du vivant de la victime directe de l'accident dans son patrimoine et transmis à ses héritiers (ayant droits) qui pouvaient en solliciter réparation.

Selon eux, la victime directe avait eu conscience du caractère inéluctable de la collision puis, ressentant le choc avant de tomber à terre, a subi une frayeur intense, prenant alors conscience de son décès imminent.

Pour la Cour de cassation, dès lors qu'il n'est pas établi que la victime directe est restée pleinement consciente, même brièvement, dans les instants qui ont suivi sa chute, les juges d'appel ont retenu des motifs hypothétiques pour indemniser les victimes par ricochet.

La réparation du préjudice d'angoisse de mort imminente induit que la victime directe ait eu conscience du caractère inéluctable de son décès dès la survenance de l'accident jusqu'à son décès.

En d'autres termes, l’angoisse de mort imminente, pour exister et être indemnisée doit être dûment démontrée.

La victime directe doit donc avoir eu un état de conscience suffisant pour envisager sa propre mort ou avoir eu conscience de la gravité de son état et du caractère inéluctable de son décès. Cela induit que la victime directe soit restée consciente de son état, notamment dans les minutes qui suivent l’accident. La conscience d’une mort imminente n’est donc jamais présumée. C’est à cette condition que ce préjudice – et la créance de réparation qui en découle – pourra entrer dans le patrimoine de la victime directe et se transmettre à ses ayant droits (héritiers).