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La nécessité d’établir le caractère médical des dépenses de santé actuelles de la victime : l’exemple d’un matelas et cadre de lit anti escarres

Le 09 février 2024
La nécessité d’établir le caractère médical des dépenses de santé actuelles de la victime : l’exemple d’un matelas et cadre de lit anti escarres
Comment prouver son préjudice corporel : ce qui peut paraître évident ne l'est pas toujours pour les juges. C'est à la victime d'apporter la preuve que les dépenses de santé dont elle demande le remboursement ont bien un caractère médical.

En principe, en matière de réparation du préjudice corporel, la victime bénéficie du droit d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

C'est à la victime de démontrer son préjudice corporel et que les dépenses de santé exposées ont bien un caractère médical, même si cela peut paraître évident...

Le préjudice, qu'il soit causé par une infraction pénale (agression) ou tout autre fat dommageable (accident de la circulation, accident du travail, accident médical, etc.), doit être réparé sans perte ni profit pour aucune des parties.

Dans la mesure du possible, et même si ce sera toujours par compensation, malheureusement, il faut rétablir la victime dans la situation qui était la sienne avec l'accident ou l'agression.

Maître Xavier MOROZ, Avocat pénaliste inscrit au Barreau de Lyon et de l'Ain (Bourg-en-Bresse), assiste et conseille les victimes pour qu'elles obtiennent la juste indemnisation de leur grave préjudice corporel.

L’indemnisation des victimes s'opère en faisant application de la nomenclature Dintilhac.

Cette nomenclature est un référentiel des différents préjudices.

Elle liste les divers préjudices dont peut souffrir une victime et permet d’évaluer les sommes au paiement desquelles elle peut légitimement prétendre pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Pour ce faire, il est notamment distingué selon que l’état de la victime est consolidé ou non (on parle de consolidation médico-légale).

 

La consolidation, notion médico-légale, correspond au moment à partir duquel l’état de santé de la victime n’est plus susceptible d’évoluer, que ce soit en bien (amélioration) ou en mal (aggravation).

 

En d’autres termes, dès lors que que l’état de santé est stabilisée, on estime que la consolidation est acquise.

 

S’agissant des préjudices patrimoniaux (ou matériels), la nomenclature Dintilhac répertorie notamment les dépenses de santé actuelles (ou futures une fois la consolidation acquise).

 

Dans un récent arrêt, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise, notamment, qu’il est nécessaire de démontrer le caractère médical de la dépense dont la victime sollicite le remboursement (Crim, 23 janvier 2024, n°23-80.647).

 

L’arrêt concerne une victime d'un accident de la circulation par conducteur de véhicule terrestre à moteur.

Dans le cadre de cette procédure, la victime sollicitait de la partie adverse le remboursement d’un matelas et cadre de lit anti escarres dont l'acquisition était restée à sa charge.

 

Cet achat avait été réalisé à la suite d’une prescription médicale.

 

Considérant que cet achat relevait des dépenses de santé actuelles dont le remboursement pouvait être sollicité par la victime, le tribunal a fait droit à sa demande.

 

Telle n’a pas été la solution retenue par la Cour d’Appel qui a infirmé le jugement.

 

La victime a donc exercé un pourvoi en cassation, invoquant notamment que la Cour d’Appel avait méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice.

 

En vertu de ce principe, la victime bénéfice du droit d’utiliser librement les fonds qui lui ont été alloués afin d’indemniser son préjudice.

 

Saisie, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel.

 

La Haute Juridiction se fonde sur les observations de la Cour d’Appel selon laquelle : « Si le certificat médical daté du jour de l’achat a prescrit d’acquérir un tel matelas, la facture d’achat produite ne précise pas s’il s’agissait d’un matériel médical, ni la classe de ce matelas. »

 

En d’autres termes, une problématique est mise en exergue : la question de la preuve du caractère médical de l’achat.

 

En ce qu’il n’a pas pu être établi par la victime que ce matelas et ce cadre de lit anti escarres correspondaient à du matériel médical, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges de la Cour d’Appel.

Maître Xavier MOROZ, Avocat pénaliste inscrit au Barreau de Lyon et de l'Ain (Bourg-en-Bresse), assiste et conseille les victimes afin que leur grave préjudice soit justement indemnisé.

En conclusion, pour obtenir le remboursement des sommes engagées, la victime doit justifier du caractère médical de la dépense.

 

La position de la Cour de cassation est critiquable ou, à tout le moins, interroge.

 

Si l’achat a été motivé par l’ordonnance médicale délivrée par un médecin, les juges auraient pu considérer que le caractère médical de la dépense était acquis.

Est-il sérieusement permis de prétendre qu'une victime d'un accident de la circulation achèterait un matelas et cadre de lit anti escarres par pur confort ???

N'est-ce pas justement parce que son handicap justifie cette acquisition pour lui permettre de retrouver un minimum de qualité de vie ???

Et comment soutenir que cette dépense ne présente pas de caractère médical alors qu'elle a fait l'objet d'une prescription médicale ???

Tout cela laisse extrêmement "perplexe" et interroge sur la réelle prise de conscience par les juges de ce que peuvent être les conséquences d'un grave accident de la circulation subi par une victime qui aurait assurément préféré garder son matelas plutôt que se trouver contrainte d'acheter du matériel médicalisé...

 

En tout état de cause, au regard de cette jurisprudence, la victime doit redoubler de prudence et bien avoir à l'esprit la nécessité d’établir le caractère médical des dépenses de santé actuelles afin d’en obtenir le remboursement, même si cela peut paraître évident.

Maître Xavier MOROZ, Avocat pénaliste inscrit au Barreau de Lyon et de l'Ain (Bourg-en-Bresse), assiste et conseille les victimes en vue de l’indemnisation de leur grave préjudice corporel.